L’aspirine peaufine ses métamorphoses. La dernière émane d’un groupe d’experts américain respecté, le US Preventive Services Task Force (USPSTF). Le 12 avril, il a publié ses recommandations sur l’utilisation préventive au long cours de faibles doses d’aspirine (75 à 160 milligrammes par jour) : l’enjeu, ici, est de limiter la survenue d’accidents cardio-vasculaires (infarctus, AVC…), mais aussi de cancer colorectal, chez celles ou ceux qui ne souffrent pas déjà d’une maladie cardio-vasculaire. Cette prévention dite « primaire » s’adresse toutefois aux personnes qui ont un risque accru de faire un accident cardio-vasculaire : elles sont diabétiques ou cumulent plusieurs facteurs de risque (tabac, hypertension, âge…).
« Pour la première fois, la prévention du risque de cancer colorectal est reconnue comme un bénéfice secondaire, quoique modeste, d’un traitement par l’aspirine qui vise d’abord à prévenir le risque cardiovasculaire », résume Gabriel Steg, cardiologue à l’hôpital Bichat (Paris). Il souligne aussi la prudence des experts américains : par rapport à 2009, ces recommandations restreignent un peu l’utilisation de l’aspirine en prévention primaire, en raison du risque de saignements liés à ce traitement. « Les patients à faible risque cardiovasculaire ne bénéficient pas d’un tel traitement, commente Gabriel Steg. Leur pronostic peut même être aggravé en raison d’hémorragies, même de gravité modérée. »
Les experts de l’USPSTF ont colligé les données de nombreux essais cliniques, en y ajoutant les résultats de cinq études parues depuis 2009. Ils ont aussi pris en compte les données de suivi du risque de cancer colorectal, notamment celles des travaux du Britannique Peter Rothwell. Puis, à l’aide d’un modèle de microsimulation, ils ont chiffré les bénéfices et les risques de ce traitement selon les tranches d’âge et le niveau de risque cardio-vasculaire.
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